Maxime Gougeon
Vidéo ⓒ Théo Auquière

L'Artiste et la Muse
Parfois, il arrive qu’on ne prenne pas conscience de la préciosité de notre corps. « Prends soin de toi », dirons-nous par affection. Mais faisons-le vraiment. Sans déceler un ton moralisateur. Prenons des risques, c’est aussi ça, faire vivre son corps. L’important n’est pas uniquement d’écouter notre enveloppe charnelle, il faut aussi la regarder. L’observer de près, scruter ses moindres particularités, ses moindres détails.
Notre peau n’est pas qu’une simple membrane, c’est un tissu dont chaque maille est issue d’un hasard, d’un aléa de la vie. Chaque souvenir, chaque geste en laisse des empreintes comme un pinceau effleurant une toile. Notre peau est plus profonde qu’on ne l’imagine et parfois si fine, si délicate, qu’elle paraît n’être qu’une pellicule translucide sur notre chair. Laissons balader notre regard sur nos formes. Discrètes, généreuses, muettes, criantes. Décelons les moindres couleurs qui s’y dissimulent, les tons qui varient subtilement et caressent inéluctablement la lumière. Plus sombre ici et plus intense là. Rougi par le chaud et le passage d’un doigt. Bleuté par le froid qui fait frissonner le moindre duvet. Quelles postures adopter pour se sentir reposé, excité, endolori, triste, confiant, dégouté ? Quelles tensions ? Quelles torsions ? Quel équilibre, quelle extase ?
Prêtons attention à ce que notre corps perçoit de lui-même à travers tous ses sens. C’est précieux. Notre anatomie est fragile. Pas de griffes, de carapace, de cornes ou de défenses. L’humain mis à nu est d’une honnête faiblesse et c’est cet abandon qui incarne notre réelle et profonde intimité. C’est ce dévoilement qui nous rend vulnérable, à la merci des regards pénétrant notre petitesse. Connaître sincèrement son corps, l’incarner consciemment, nous permet de rendre notre corps et nous-mêmes, notre esprit, plus forts.
Parfois, la peinture ne suffit pas pour m’exprimer sur la chair. Mon propre corps comme outil devient nécessaire. Produire une trajectoire sensorielle, une langoureuse danse iconique et laisser se poser le regard intime et sensuel du photographe telle une confession visuelle. Prendre à corps le sujet, incarner le sujet. Ne pas se cacher derrière la peinture. Découvrir qui je suis et quelle est la réelle définition de l’identité, l’éprouver. Comme une envie irrésistible d’être artiste-muse, muse-artiste.
Maxime GOUGEON